La 110 milles Solo-PORTSDEFRANCE.com 2006 à Concarneau le WE du 8 mai :
Cette régate a bientôt 30 ans. C’est donc une classique des courses en solitaire de la côte Atlantique. Cette année, elle sert d’épreuve qualificative à 13 concurrents de la solitaire du Figaro qui se déroulera cet été. 2 Pogo 40 tout neufs sont aussi là en préparation de la route du rhum. Et il y a bien sûr des mini 6,50 (4 Pogo, 2 Pogo2 et un Dingo).
Pour ma part, je cours en HN avec 26 autres bateaux.
Je n’ai couru qu’une seule régate en solitaire, c’était en 2004, déjà à Concarneau mais sur un petit parcours de 25 milles seulement. Il avait fait un temps pluvieux et venté; bref plutôt stressant.
Cette fois, les prévisions météo sont assez clémentes et je me décide à tenter ma chance. On vient de courir l’Obélix Trophy et le bateau est en configuration « course ». Je plonge néanmoins le vendredi matin et apporte le pilote automatique (un ancestral AT 60 de Plastimo) ainsi que le vieux génois mylar en secours en cas de déchirure.
Un petit aller-retour à la SRC de Concarneau pour l’inscription et je survole le parcours :
Départ de Concarneau, un petit tour au fond de la baie de la forêt puis route à travers le chenal des Moutons vers Penmarch (Spineg) avant de s’élancer vers le phare des Birvideaux à l’Ouest de Belle île et retour à Concarneau par les coureaux de Groix et la Voleuse face à Mousterlin.
Après une bonne nuit de sommeil, je largue les amarres de Bénodet à 10 heures pour rejoindre directement la ligne de départ à Concarneau. Je profite du convoyage pour rentrer le parcours dans le GPS et calculer les courants de marée. Le vent de SW est faible mais doit tourner au NW en forcissant dans l’après-midi avec l’établissement de la brise thermique.
A 13 heures, les Figaro 2 et les Pogo 40’ partent tandis que nous nous préparons.
Juste avant les 8 minutes, je pense soudainement à vérifier les feux de route. Catastrophe le feu de bâbord rouge ne fonctionne pas. J’arrache le scotch de protection et l’ampoule noircie apparaît. Ouf, j’en ai une neuve à bord. Vite je mets en place la rechange et enroule le feu d’adhésif. Après cette brusque montée d’adrénaline, je suis plutôt calme pour le départ. Ce n’est pas le cas de tout le monde car il y a un rappel général. On part finalement vers 13h 50min pour un mini-bord vers la bouée de dégagement avec envoi de spinnaker. Je me fais bloquer par une série de voiliers tribords et passe en queue de peloton avec le first 30E « Yes Ai ». Je réussi à le passer avant la bouée de Portlaf’ mais il me repasse sur le bord suivant jusqu’à la cardinale de Linuen : 2 Pogos et l’armagnac seulement derrière !! çà commence mal.
Nous voici maintenant pour un long, très long bord de près. Le vent est trop fort pour moi, je suis parfois surtoilé avec le génois. Et j’ai du mal à avoir une bonne vitesse. Malgré tout, je reste entre « Yes Ai» et l’armagnac « Kikibigoudi » avec des Pogos alentours. Le vent tourne régulièrement à droite et je tire donc tous les bords à droite dès que possible. A ce petit jeu; je réussi à gagner quelques places et arrivé à Spineg, il y en a 7 derrière.
C’est fait, le spinnaker est envoyé et j’empanne dans la foulée au vu du cap affiché sur le répétiteur (indispensable en solitaire).
Les gros sont déjà loin devant, par contre le First 30ES « Delfica» ainsi que le club 86 « Tiz Déi» sont à portée mais sur l’autre amure. Le vent se maintient en force (12 à 18 nœuds) et tourne toujours à droite vers le Nord Ouest. Ma bonne trajectoire et aussi quelques ennuis de spi sur « Tiz Déi» m’ont permis de le rattraper et je passe la bouée de la Jument au sud des Glénan à coté de lui.
La nuit tombe, il faut allumer les feux : catastrophe, cette fois, c’est le feu vert qui refuse de s’éclairer. Me voilà sous spi dans 15 nœuds de vent avec un pilote qui barre en zigzag cramponné (et attaché) dans le balcon avant. Une brosse métallique entre les dents, un rouleau de scotch dans la poche avec l’ampoule, le cache et le tournevis dans les mains. Après quelques empannages de grand voile et beaucoup d’énergie, le feu est réparé.
Il est temps de se faire un petit café et de s’équiper pour la nuit : collants, grosses chaussettes, quatre polaires et le bonnet. A chaque changement de tenue, il faut enlever et remettre le gilet/harnais; j’ai du le faire au moins 50 fois.
Les feux de Groix s’éternisent, enfin, le phare des Birvideaux apparaît. Alors que le pilote est à la barre le temps d’allumer le gaz sous la bouilloire survient la deuxième catastrophe de la nuit. Une manivelle est éjectée à la mer par l’écoute de grand voile qui a sauvagement empannée. Et ce n’est pas fini : panne de gaz. Je mange quand même mon Bolino à l’eau tiédasse.
Heureusement, je gagne doucement sur « Tiz Déi» et passe la marque avec 200 mètres d’avance vers 3 heures du matin. Seul un pogo m’a doublé pendant ce long bord de vent arrière. Derrière, ils sont très loin et devant, je ne vois plus personne.
Nous revoici au près serré dans un vent mollissant. Je pars à fond à droite car les prévisions donnaient une rotation vers le NE en fin de nuit. Apparemment, je tombe énormément en cap par rapport aux 2 autres mais au petit matin, dans les coureaux de Groix, ils ne m’ont pas beaucoup pris. Le vent bascule franchement au nord en tombant.
Nous voilà en route quasi directe sur La Voleuse à une vitesse quasi nulle…
Le jour se lève, les yeux se ferment, il faut pourtant être attentif et ne pas louper le « départ du train ». Le vent revient, je choque les écoutes, la vitesse remonte, je suis reparti avant les autres. Vite j’envoie le spinnaker au largue très très serré. Le cap n’est pas tout à fait sur la route mais la vitesse est super !!! Cette fois « Tiz Déi» est loin derrière et les spis bleus des gros sont en vue. Même « Baradozig » le First 31.7 vainqueur des 3 dernières éditions est reconnaissable à l’œil nu. Je recolle doucement en mangeant les derniers sandwichs (sans café faute de gaz…).
A la pointe de Trévignon, je suis à 500 mètres de « Yallah » le sagitta 35’ qui me doit du temps. Le vent est maintenant plein sur l’arrière et ne se décide pas à rentrer. Le groupe de tête se bat pour atteindre la Voleuse et nous entendons l’arrivée du premier à la VHF. Il faut absolument avancer car si le vent retombe avant d’avoir réussi à passer la ligne, c’est foutu. Je double la Voleuse aux fesses de « Yallah »; le spi est affalé car nous sommes maintenant au près bon plein vers le chenal de Concarneau. « Yallah » renvoie un spi et s’envole. Il faut réagir mais le vent est plus fort. Tant pis je renvoie aussi mais mon pilote n’assure pas et après deux départs au lof, j’affale péniblement. Il reste 200 mètres à courir dans le chenal de Concarneau. Le cap est plus abattu et c’est spiable mais c’est la fin, le spi est en vrac dans la cabine, la ligne est toute proche de la jetée et je ne pense même pas que le spi lourd est paré. Je passe donc la ligne sous génois, content d’en avoir fini.
Après avoir remercié le comité de course par VHF, je rentre sur Bénodet en compagnie de « Yallah ». A quai vers 15 heures, cette fois, je suis mort de fatigue. Douche, un steack et au lit. Les Figaros sont encore en course. Ils arriveront bien plus tard dans la nuit de dimanche.
Le lendemain, c’est la remise des prix au CAC de Concarneau.
Incroyable : je suis 4ème à seulement 30 secondes du 3ème (le First 30E « Delfica ») et 2 minutes 38 secondes du 2ème (un First 32S5 « Aquarius »). Le vainqueur est l’armagnac « Kikibigoudi » de Brest.
Il y a eu 4 abandons sur les 26 engagés en HN. Je m’en veux de ne pas avoir remis mon spi lourd à l’arrivée. Je serais monté sur le podium (enfin, avec des « si »…).
Vraiment une belle régate. A refaire…
Patrick le 9 mai 2006.
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